• L'INDICATIF PRÉSENT OU L'INFIRME TEL QU'IL EST

    L’INDICATIF PRESENT ou L’INFIRME TEL QU’IL EST


        Lorsqu’il fait paraître « L’Indicatif Présent », LUC DECAUNES a vingt-cinq ans. Depuis sept ans qu’il vit à Paris, il n’a pas perdu son temps. Il s’est frotté au monde littéraire, c’est l’époque des premières griseries poétiques, des coups de foudre, de l’amitié, des découvertes et des admirations. C’est aussi des nuits laborieuses pendant lesquelles il écrit sans cesse, dans l’éblouissement du travail créateur.
    LUC DECAUNES a été touché très tard par le surréalisme, à travers Breton et Crevel. Ces écrivains ont exercé sur lui une influence morale. A l’époque « d’Atalante », il découvre « Capitale de la douleur » et la poésie d’Eluard ; il admire Reverdy dont il a acheté un volume de poèmes sur les quais. DECAUNES ne rencontrera jamais Reverdy. Il n’échangera que quelques lettres avec lui, mais quand il écrira ses vrais poèmes, il se rappela la leçon de l’auteur « d’Epaves du ciel », grâce à qui il a compris le rôle et l’essence de la poésie. DECAUNES n’oubliera jamais ce qu’il doit à Reverdy. Malgré un éloignement progressif, son admiration et sa reconnaissance pour le poète ne faibliront pas au point qu’il lui consacrera un ouvrage en octobre 1961.
    Peu de temps avant de fonder « Soutes », LUC DECAUNES, on s’en souvient, était allé voir Aragon. A partir de ce moment, et pendant plus d’un an, il rencontrera très souvent Louis Aragon, rue de la Sourdière. Aragon le libéra littéralement de certaines entraves et lui donna cette confiance en lui-même qu’il n’avait pas encore trouvée.
    En 1937, LUC DECAUNES vit pour la première fois Paul Eluard qui allait exercer sur lui une influence capitale, l’aider à découvrir son propre domaine poétique.
    Un soir d’août, il rejoint à Mougins, Cécile Eluard qu’il avait rencontrée au cours d’un voyage organisé par les Auberges de la Jeunesse. Il fait avec elle une randonnée, sac au dos, dans l’Estérel. Au retour, Cécile le conduisit vers une table de la terrasse de l’hôtel.
    A cette table, se trouvait Eluard, Nusch, Picasso et Dora Maar. DECAUNES mit sac à terre et bavarda avec Eluard et Picasso, qu’il tenait pour les dieux de la poésie et de la peinture. Un an plus tard, LUC DECAUNES épousait CECILE ELUARD.
    La fréquentation d’Eluard allait favoriser l’épanouissement de son talent. Grâce à Eluard, LUC DECAUNES atteindra cette maîtrise du vers qui fait qu’aucun des poèmes rassemblés dans « L’Indicatif Présent » ne ressemble à ceux d’un jeune poète.
    Reverdy, Aragon, Eluard, l’histoire retiendra ces trois noms pour définir les étapes de la démarche poétique de LUC DECAUNES. Plus tard, pendant la drôle de guerre d’abord, puis durant la longue captivité du poète qui éloignèrent LUC DECAUNES de la vie littéraire de Paris et de la poésie engagée de la Résistance, ces influences ne cessèrent de rayonner en lui, de l’aider à vivre.
    « L’indicatif Présent ou l’infirme tel qu’il est », (c’est le titre exacte du recueil), reflète bien le goût de l’insolite, le parti pris du dépaysement propre à cette époque qui fut l’une des plus grandes de la poésie française. DECAUNES a longtemps et obstinément cherché le langage qui conviendra à ce qu’il brûle de dire. Dès ce moment, la poésie, pour lui, est devenue tout à la fois invention et inventaire, découverte et contemplation, moyen de création et outil de délivrance.
    Sans avoir appartenu au mouvement surréaliste, comme la plupart des poètes qui, aux environs des années 1935, se mettent à penser la poésie et à écrire des poèmes, LUC DECAUNES a une vision du monde colorée par le surréalisme.
    Plus tard, par son mariage avec Cécile Eluard, il pénétrera plus avant dans le surréalisme, et celui-ci exercera sur sa poésie une influence sensible.
    On peut même parler d’une « époque surréaliste decaunienne » qui s’étendrait de 1938 à 1940, époque pendant laquelle il écrivit les poèmes de « A l’œil nu » qui ne parurent aux Cahiers du Sud qu’en 1941, illustrés des dessins de Man Ray, et assurèrent la transition entre la poésie militante et la poésie plus universelle de « L’Air natal ».
    Ce qui frappe lorsqu’on lit « L’Indicatif Présent », c’est la solidité du vers, la richesse de la substance poétique. Rien d’inachevé ni de fragile, mais une force qui se surveille dans les mots les plus simples, un refus constant de l’artifice.
    A ces qualités majeures, l’épaisse liasse de poème des « Raisons ardentes » devra son unité profonde.
    Par l’un des plus  étranges paradoxes de sa vie, LUC DECAUNES devait écrire ses meilleurs poèmes en captivité.


     


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