• L'ENFANCE DE LUC DECAUNES

     

     

     

    L'ENFANCE DE LUC DECAUNES

     


        Sans être exceptionnelle, l'enfance de LUC DECAUNES fut loin d'être banale.

     

        Né à Marseille, rue du Pavé d'Amour (le nom est trop beau pour qu'on le passe sous silence) le 4 janvier 1913, LUC DECAUNES passera les premières années de son existence dans différentes villes du midi qui servaient de points d'attache à son père.

     

        D'origine quercynoise, ce père paraît avoir été un personnage assez original pour que l'on s'y arrête quelques minutes.

     

        Ce père fut engagé volontaire à 18 ans, puis boulanger à bord des grands paquebots qui reliaient la France à l'Amérique du Sud. Ce fils de paysans pauvres s'installe à Paris où il monte le premier restaurant populaire. Inventeur à ses heures, il dessine le plan d'un dirigeable qu'il soumet en vain à l'Etat, fait plusieurs métiers puis finit par apprendre seul la photographie.

     

        On retrouve chez cet autodidacte le goût farouche, presque fanatique, de la liberté, qui partagèrent dans la France du Second-Empire, tant d'hommes de sa génération, admirateurs ou disciples de Proudhon ou de Blanqui. La légende raconte que le jour des funérailles de Victor Hugo, à qui il ne pardonnait pas ses goûts bourgeois ni la haine qu'exhalent certains poèmes des “Châtiments”, le père de LUC DECAUNES arbora le drapeau noir des anarchistes pour protester contre ce qu'il tenait pour une imposture.

     

        Il a presque 50 ans lorsqu'il rencontre Lucile Nétré qui n'en a que 25. Appartenant à une famille de la petite bourgeoisie libérale (son grand-père suivit Hugo en exil, l'un de ses oncles fut communard), cette jeune Parisienne sensible, cultivée, plus qu'elle ne s'éprend de ce rêveur, accepte de vivre librement avec lui pour échapper à un père viveur qui court les théâtres et les cafés.

     

        Pendant plus de dix années, ces deux êtres que séparent l'âge et l'éducation, mais que réunit le même goût des livres, de la nature et du théâtre, parcourront la France, vivant à l'hôtel, voyageant dans la roulotte-laboratoire où le photographe ambulant développe les négatifs des groupes d'élèves pris dans les écoles de village qu'il visite.

     

        A la naissance de LUC DECAUNES, ses parents régularisent leur situation, abandonnent la roulotte et se fixent, pour des temps plus ou moins longs, à Pertuis, à Nîmes, à Béziers, à Pau, à Tonneins, à Amélie-les-Bains. Pendant que son mari sillonne la région en train ou en omnibus, prospecte les villages environnants pour y exercer son métier, la mère de LUC DECAUNES travaille à domicile à la retouche des clichés et des agrandissements.

     

        Que le jeune LUC ait accompagné ses parents dans leurs déplacements à travers le Sud de la France, qu'il ait connu une enfance nomade, voilà qui paraît vraiment important et explique peut-être, chez le poète adulte, une certaine instabilité et le goût du changement.

     

        La famille DECAUNES s'étant fixée à Toulouse en 1919, c'est dans cette ville que LUC DECAUNES fit ses études et passa son bachot. Très tôt sa mère lui avait appris à lire et à écrire, à aimer la musique.

     

        On peut se demander, on doit se demander dans quelle mesure cette enfance errante, mouvementée et solitaire a favorisé la rêverie chez ce jeune garçon, a enrichi son imagination, suscité le goût d'écrire et aidé à la naissance de son talent.

     

        Jusqu'à 16 ans, LUC DECAUNES ne se connaîtra pas d'amis, ne rencontrera pas de camarades en dehors des heures de lycée, principalement à cause de l'exiguïté des meublés successifs où il vécut avec ses parents.

     

        Malgré la misère réelle, tenace, presque familière qu'il connut, LUC DECAUNES fut un enfant joyeux chez qui l'appétit de la vie se doublait d'un fort penchant à la rêverie. Il eut une enfance heureuse et garda le souvenir très précis de son père rentrant de ses randonnées périodiques avec quelque jouet dans ses bras.

     

        Mais, grâce surtout à sa mère qui vécut toujours à ses côtés et fut son camarade de jeux le plus constant, LUC DECAUNES eut une jeunesse exempte de drames. Même si, vers quatorze ans, cette présence exclusive commença à peser, elle fut pour le jeune garçon une merveilleuse source d'enrichissement et d'amour. Après les cours qu'il suit comme boursier, il reste seul à la maison, près de sa mère qui, pour vivre, retouche les agrandissements. Le père, vieillissant, a dû renoncer à la photographie à cause du mauvais état de ses yeux et s'emploie à d'obscures besognes.

     

        On verra ce père, à plus de 70 ans, balayer la neige dans les cours pour assurer une partie de la subsistance de sa famille et permettre à LUC DECAUNES de continuer ses études. Jamais ce père anticonformiste n'essayera de faire partager par son fils ses opinions politiques. Mais, longtemps après sa mort, LUC DECAUNES s'étonnera de retrouver en lui les mêmes tendances politiques comme une sorte d'héritage idéologique.

     

        Comme il arrive souvent, la pauvreté va tremper le caractère du jeune homme, le révéler à lui-même. Elle teintera le monde d'une couleur indélébile et fixera son comportement idéologique. On retrouve dans plusieurs poèmes des échos poignants de cette enfance difficile qui laissent apparaître, malgré leur pudeur de ton, les blessures mal cicatrisées de la vie.

     



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